samedi 13 octobre 2012

Douleur de la fibromyalgie : associations de malfaiteurs ?


Nombreux sont les patients présentant un syndrome fibromyalgique, nombreuses sont leurs questions et nombreux sont leurs échanges sur internet (réseaux sociaux, forums, sites d'associations…). A l'issue du congrès mondial 2012 sur la douleur (Milan, Italie, du 27 au 31 août), les professionnels de santé ont-ils plus d'éléments à offrir à la communauté "fibromyalgie 2.0" ? Peut-être bien…



Un des 70 "topical workshops" de ce congrès a été consacré à la physiopathologie de la fibromyalgie : les 3 intervenants ont tenté de résumer les données des nombreuses recherches publiées sur la question. Une chose est sûre, leurs exposés se concluent sur des hypothèses et non pas sur des certitudes. Néanmoins, 2 idées clés peuvent être dégagées :

1. Le muscle, le nerf ou le cerveau ?

Beaucoup d'incertitudes demeurent sur les structures anatomiques responsables des douleurs du syndrome fibromyalgique. Quel est le principal coupable ?
  • Le muscle ? Si la fibromyalgie porte ce nom, c'est bien parce que les douleurs sont ressenties par les patients au niveau des muscles et des tendons. Par ailleurs, plusieurs études ont retrouvé des anomalies au niveau musculaire : trouble de la circulation sanguine (voire ischémie), présence de diverses substances chimiques "algogènes"…
  • Le nerf ? Les nocicepteurs présents dans les muscles peuvent être activés par l'ischémie tissulaire puis sensibilisés par les substances algogènes, de sorte que le nerf transmet en permanence des influx douloureux…
  • Le cerveau ? Un faisceau d'arguments semble plaider en faveur de sa culpabilité (voir article de mon blog) : l'association fréquente de la fibromyalgie à d'autres pathologies suspectes de mécanismes centraux (intestin irritable, cystite interstitielle, fatigue chronique…) ; la fréquence des "traumatismes" au sens large (accidents, agressions, enfance difficile…) ; l'efficacité chez certains patients de médicaments à action cérébrale (antidépresseurs, anti-épileptiques) et/ou de techniques de stimulation cérébrale (voir article de mon blog).
Les suspects sont nombreux, mais les preuves sont insuffisantes pour inculper l'un plutôt que l'autre. Il est fort probable que la fibromyalgie découle d'une véritable association de malfaiteurs. Les rôles respectifs du muscle, du nerf et du cerveau dans cette affaire restent cependant à déterminer… 

2. La fibromyalgie est-elle une maladie ?

Cette question est difficile mais essentielle pour un grand nombre de patients. L'hypothèse proposée dans cet atelier est la suivante : la fibromyalgie serait plutôt un syndrome qui aurait besoin d'une autre maladie pour se développer. Premier argument, il existe une telle variabilité interindividuelle en termes de symptômes qu'il semble difficile de "faire rentrer" tous les patients dans la même "case". La fibromyalgie correspondrait plutôt à un "réunion d'éléments distincts", étymologie du mot "syndrome". Second argument : le syndrome fibromyalgique est le plus souvent associé à une autre maladie rhumatologique, neurologique ou psychiatrique. Cette maladie sous-jacente constituerait un terrain fragilisé, propice et nécessaire au développement de la fibromyalgie. Parmi les quelques 2000 communications affichées lors de ce congrès, plusieurs dizaines concernaient de près ou de loin des études menées dans la fibromyalgie. La diversité des anomalies retrouvées et l'extrême variabilité interindividuelle de réponse à de nombreux traitements correspond tout à fait à la réalité des échanges sur les réseaux sociaux : chaque situation est différente… contrairement aux signes (relativement) constants retrouvés dans une maladie…



Alors, au final, qui est le véritable cerveau de la fibromyalgie ? S'agit-il d'une maladie en tant que telle ou d'un mode d'expression particulier, voire d'une complication d'une autre maladie ? Le débat reste ouvert, il ne manquera pas de se poursuivre en version 2.0 !